Alors que le dollar américain recule face au franc congolais, la population congolaise ne ressent toujours pas les effets positifs attendus. À Bukavu, les prix des denrées, du transport et des services continuent paradoxalement de grimper, plongeant ménages et petits commerçants dans l’incompréhension et la colère.
Chaque matin, Ange Kusimwa, vendeuse de légumes au marché de Nyawera, se lève avant l’aube pour tenir son étal. Mais ses marchandises se font rares.
« Le dollar a baissé, mais le prix de la farine, du riz et du savon, lui, ne bouge pas. On dirait que tout devient plus cher chaque semaine », déplore-t-elle.
Comme elle, des milliers de petits commerçants et consommateurs vivent dans la confusion, incapables de comprendre pourquoi la baisse du taux de change ne se traduit pas dans leurs dépenses quotidiennes.
Selon l’analyste indépendant Guy Ndoole, le pays traverse une « crise silencieuse » qui touche en premier lieu les ménages les plus vulnérables.
« Rendons-nous la vie vivable, très chers compatriotes. Comment expliquer que la majorité des commerçants refuse d’adapter leurs prix à la réalité du marché ? », s’interroge-t-il.
En théorie, la stabilisation du franc congolais devait apporter un répit. Mais sur le terrain, la situation est tout autre. De nombreux commerçants refusent d’abaisser leurs tarifs, parfois par méfiance, souvent par peur de pertes.
« On nous dit que le dollar a baissé, mais quand on va s’approvisionner à Bukavu, les grossistes n’ont rien changé. On vend cher parce qu’on achète cher », explique Claude Cubaka, vendeur au marché Beach Muhanzi.
Cette spirale nourrit la spéculation et creuse davantage le fossé entre indicateurs macroéconomiques et réalité du terrain. Plusieurs acteurs de la société civile dénoncent une injustice économique persistante, tandis que les consommateurs se sentent abandonnés dans un système où la baisse du dollar ne profite qu’à une minorité.
À Bukavu, la crise économique s’ajoute à une autre, plus profonde : celle de l’insécurité chronique dans l’Est de la RDC. Les routes vers les zones agricoles restent dangereuses à cause de la présence des groupes armés, perturbant l’approvisionnement des marchés locaux.
Les familles déplacées affluent dans la ville, augmentant la demande et fragilisant davantage les équilibres économiques.
« Nous vivons dans une double crise : la guerre qui nous enferme, et les prix qui nous étranglent », confie Kinja Furaha, mère de quatre enfants vivant à Panzi.
Face à cette situation, Guy Ndoole interpelle directement les autorités : « Je me tourne vers notre Gouvernement, et spécifiquement vers le ministère de l’Économie, pour leur demander de jouer pleinement leur rôle et de s’assurer que la population n’est pas persécutée par les vendeurs des biens et services. »
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Les habitants, eux, ne réclament pas de nouvelles promesses, mais des actes concrets. Ils veulent que la baisse du dollar se reflète enfin dans le prix du pain, du transport, de l’école et de la santé — ces petites choses qui font la dignité du quotidien.
Pour l’instant, le souffle économique attendu ressemble davantage à une asphyxie collective, où les mots « pouvoir d’achat » et « stabilité » sonnent cruellement creux.
Article produit dans le cadre du projet 𝗛𝗮𝗯𝗮𝗿𝗶 𝘇𝗮 𝗠𝗮𝗵𝗮𝗹𝗶, 𝖽𝗎 𝖼𝗈𝗇𝗌𝗈𝗋𝗍𝗂𝗎𝗆 𝗥𝗔𝗧𝗘𝗖𝗢 𝗲𝘁 𝗥𝗘𝗠𝗘𝗟 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐥𝐞 𝐬𝐨𝐮𝐭𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝗠𝗲𝗱𝗶𝗮4𝗱𝗶𝗮𝗹𝗼𝗴𝘂𝗲 𝗱𝗲 𝗟𝗮 𝗕𝗲𝗻𝗲𝘃𝗼𝗹𝗲𝗻𝗰𝗶𝗷𝗮.


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