Les doyens de la Société civile du Sud-Kivu appellent le président Félix-Antoine Tshisekedi à convoquer d’urgence un dialogue national inclusif pour décrisper la situation politique interne et consolider la paix en République démocratique du Congo. L’appel, contenu dans une correspondance datée du 13 octobre 2025, intervient quelques jours après le discours du chef de l’État au Global Gateway Forum à Bruxelles, où il avait tendu la main à son homologue rwandais Paul Kagame.
Dans cette lettre adressée au président de la République, avec copies conformes et informations à plusieurs dirigeants africains et occidentaux, ainsi qu’à des institutions internationales telles que l’ONU, l’Union européenne, la SADC et la CENCO-ECC, les doyens saluent l’ouverture diplomatique de Tshisekedi envers Kigali, tout en rappelant que « aucune paix extérieure ne sera durable sans une décrispation politique interne ».
Les signataires — dont Vital Barholere, Mathilde Muhindo, Jean-Baptiste Mulengezi et Nene Bintu Iragi — estiment qu’il est temps de rassembler toutes les forces vives de la Nation afin d’affirmer la souveraineté du pays et de tracer un avenir commun. Ils invitent le président Tshisekedi à tendre la main à ses adversaires politiques, y compris ceux issus de groupes armés, afin d’engager un dialogue national basé sur la réconciliation et la responsabilité partagée.
Ils rappellent que la note conceptuelle d’un tel dialogue, préparée par la CENCO et l’ECC, attend toujours le feu vert du chef de l’État pour sa mise en œuvre.
Les doyens proposent que ce forum national repose sur deux garanties majeures :
- La garantie absolue accordée au président Félix Tshisekedi de poursuivre son mandat jusqu’en 2028.
- L’engagement ferme du chef de l’État à ne pas modifier la Constitution ni chercher un glissement de mandat pour se maintenir au pouvoir au-delà de cette échéance.
Une fois ces deux principes assurés, le reste du débat pourrait porter, selon eux, sur la mise en place d’une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) représentative de toutes les forces vives, et sur la formation d’un gouvernement inclusif chargé de suivre les résolutions du dialogue.
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La Société civile du Sud-Kivu exhorte Félix Tshisekedi à préparer dès maintenant l’héritage qu’il laissera en 2028, citant les exemples de Nelson Mandela et d’André Mbata, aujourd’hui cadre de l’Union sacrée, qui affirmait jadis qu’« il y a une vie après la présidence ». Les doyens l’invitent à ne pas « tenter le diable » et à tirer des leçons des récents événements politiques survenus à Madagascar, au Pérou ou encore au Népal.
Le Rwanda ne doit pas servir d’alibi
Les auteurs de la lettre estiment que le Rwanda et son président Paul Kagame ne peuvent être éternellement utilisés comme « épouvantail » pour masquer les faiblesses internes de la gouvernance congolaise. Ils rappellent que la mauvaise gouvernance, de Mobutu à aujourd’hui, demeure la cause principale des fragilités structurelles du pays.
Selon eux, le risque de balkanisation ne peut justifier le statu quo actuel. « Tant que les peuples du Kivu résisteront à l’occupant, il n’y aura jamais de balkanisation », affirment-ils, citant des précédents historiques comme l’Indochine, l’Algérie, la Namibie ou la Palestine pour étayer leur propos.
« L’histoire est têtue », préviennent les doyens
Dans une mise en garde au ton solennel, les doyens préviennent le chef de l’État que le statu quo serait une option fatale, susceptible d’alimenter les tensions internes et d’offrir une opportunité aux « forces centrifuges souterraines » à l’affût. Ils appellent le président Tshisekedi à ne pas devenir, malgré lui, « le fossoyeur de la Nation », mais plutôt l’artisan d’un consensus historique.
Enfin, tout en saluant sa main tendue au Rwanda, ils encouragent le chef de l’État à adopter la même ouverture envers l’opposition congolaise et les forces vives du pays. Le groupe des doyens assure le président de sa disponibilité à jouer un rôle de bons offices dans le cadre d’une diplomatie citoyenne pour le bien de la Nation.