L’appel au dialogue lancé par le président congolais Félix Tshisekedi à son homologue rwandais Paul Kagame pour une paix durable à l’Est du pays continue de susciter de vives réactions au sein de la classe politique congolaise, notamment dans les rangs de l’opposition.
Quelques heures après cette déclaration, plusieurs leaders politiques ont dénoncé ce qu’ils qualifient de « posture incohérente » du chef de l’État congolais face à Kigali, accusé de soutenir les rebelles du M23 actifs dans l’Est de la République démocratique du Congo.
L’opposition dénonce une initiative “hors-sol”
Pour Olivier Kamitatu, cadre de la plateforme Lamuka et porte-parole de Moïse Katumbi, la démarche du président Tshisekedi serait mal orientée.
« La main que le président congolais doit tendre n’est pas vers les puissances étrangères, mais vers les siens, vers ces millions d’hommes et de femmes qu’il a exclus, réprimés, oubliés », a-t-il déclaré.
Lire aussi: Washington : Tshisekedi et Kagame attendus pour signer un accord de paix sur la RDC
Selon lui, seule un dialogue inclusif interne, tel qu’appelé de leurs vœux par la CENCO et l’ECC, peut ramener une paix véritable en RDC :
« La seule paix qui vaille ne viendra ni des monologues présidentiels ni des promesses de circonstance, mais d’un dialogue inclusif. Refuser le dialogue, c’est condamner une nation tout entière à l’épuisement », a ajouté Kamitatu.
Le porte-parole de Katumbi a également fustigé ce qu’il considère comme une stratégie de communication :
« Il parle de “paix des braves”, il répète “je tends la main”. Des mots vides, récités comme une prière sans foi. À la veille de l’annonce du Prix Nobel de la Paix, il cherche à séduire en adoptant la posture du sage. Mais la vérité finit toujours par percer : son problème n’est pas à l’étranger, il est au Congo. »
Il a par ailleurs exhorté le président Tshisekedi à lutter d’abord contre la corruption et le pillage des ressources nationales :
« Qu’il commence par mettre fin au pillage du coltan, du cobalt et des minerais stratégiques… Qu’il se décide enfin à nourrir son peuple, à lui donner des routes, de l’eau, de l’électricité — bref, une vie digne ! »
Kabund et Sesanga parlent d’incohérence et de légèreté
Une réaction de surprise mêlée d’indignation est également venue de Jean-Marc Kabund, président de l’Alliance pour le Changement et ancien cadre de l’UDPS, le parti présidentiel.
« Je viens de regarder une vidéo dans laquelle le Chef de l’État s’exprime lors d’un forum international. Dites-moi que ce n’est pas vrai, ce que je viens d’entendre. Si cela l’est, je me demande : dans quoi sommes-nous ? », a-t-il déclaré.
De son côté, Delly Sesanga, député national et président du parti Ensemble pour la République, a dénoncé un manque de cohérence dans la diplomatie congolaise.
« De la moindre escarmouche à ça… Tout ça pour ça ! Où est le sérieux ? Où est la ligne ? Le gâchis incarné. Un président à géométrie variable, qui change de position au gré des applaudissements et des voyages, n’inspire ni confiance ni respect. Le Congo mérite sans doute mieux. »
La main tendue de Félix Tshisekedi n’a pas seulement provoqué des remous à Kinshasa. À Kigali aussi, le chef de la diplomatie rwandaise a réagi en termes critiques, estimant que la démarche du président congolais manquait de clarté et de sincérité.
Ces échanges interviennent dans un contexte de fortes tensions régionales, alors que Kinshasa et plusieurs capitales africaines et occidentales accusent le Rwanda de soutenir activement la rébellion du M23, responsable de violences et de déplacements massifs dans l’Est du pays.
Malgré les critiques, Félix Tshisekedi a réaffirmé sa volonté d’explorer toutes les voies diplomatiques possibles pour restaurer la paix, estimant que « la guerre ne peut pas être une solution permanente ».