Le Parlement européen dit encourager « vivement » le Rwanda à ne pas soutenir les rebelles du M23, responsables des attaques armées qui ont provoqué un désastre humanitaire ces derniers mois dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo au Nord-Kivu, dans l’Est de la RDC.
Dans une résolution prise ce jeudi 24 novembre, le Parlement européen demande à l’Union européenne et ses États membres à « imposer des sanctions » à l’encontre des auteurs de violations des droits de l’homme dans l’est de la RDC.
La Parlement européen demande également que les sanctions à l’encontre des hauts commandants du M23 soient maintenues et étendues, afin d’inclure les responsables récemment reconnus de graves exactions, ainsi que les hauts fonctionnaires de toute la région complices des exactions du M23.
Résolution du Parlement européen du 24 novembre 2022 sur le déplacement forcé de populations à la suite de l’escalade du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) (2022/2957(RSP))
Le Parlement européen,
- considérant que la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC) continue de se détériorer, en particulier dans le nord-est du pays, en raison de groupes armés étrangers et nationaux, dont le M23 ayant des liens avec le Rwanda; considérant que certains groupes rebelles ont des liens avec l’Ouganda et le Burundi, ont prêté allégeance au groupe «État islamique» et ont été impliqués dans de nombreux massacres qui ont provoqué le déplacement de milliers de civils, et qu’il est fait état de recrutement d’enfants et de perpétration de nombreuses violences sexuelles et sexistes par les groupes armés;
- considérant que, depuis le 20 octobre 2022, les progrès réalisés par le M23 ont entraîné le déplacement de milliers de personnes de Rutshuru vers Kanyaruchinya et Kibati, au nord de la ville de Goma, et vers le territoire de Lubero, qui viennent s’ajouter aux six millions de personnes déjà déplacées à l’intérieur du pays;
- considérant que, depuis le 20 octobre 2022, 183 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été déplacées selon les estimations, ce qui porte le total à plus de 232 000 civils dans l’est du pays; considérant que plus de 2,4 millions d’enfants congolais de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë globale; considérant que de nombreux enfants ont été séparés de leurs parents et tuteurs lors de fuites de la population pendant les attaques des groupes rebelles; considérant que, selon les estimations, 7,5 millions de personnes ont actuellement besoin d’aide et n’ont pas accès à l’eau et aux installations sanitaires;
- considérant que les provinces orientales de l’Ituri et du Kivu en RDC ont subi deux décennies de conflits cycliques caractérisés par des massacres de civils et des violences de la part de groupes armés, tandis que les autorités gouvernementales n’ont pas réussi à traduire en justice les groupes non étatiques responsables des crimes passés;
- considérant qu’en octobre 2022, lors du récent conflit avec les forces rebelles du M23, les unités de l’armée congolaise et leurs alliés auraient été responsables de violations massives des droits de l’homme; que de graves exactions telles que le travail des enfants ont également été signalées;
- considérant que les journalistes qui couvrent le conflit font de plus en plus face à du harcèlement, des menaces et des arrestations;
- considérant que le processus de Luanda, facilité par l’Angola, vise à assurer la médiation entre la RDC et le Rwanda en ce qui concerne le conflit dans l’est de la RDC; considérant que la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), dont la RDC est devenue membre en mars 2022, a engagé un processus à deux volets visant à mettre fin à l’instabilité dans l’est du Congo: par des pourparlers politiques avec les groupes rebelles qui ont exprimé leur volonté de mettre un terme aux combats et de se désarmer, ainsi que par le déploiement d’une force militaire d’Afrique de l’Est;
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- est vivement préoccupé par l’escalade de la violence et la dégradation d’une situation humanitaire déjà alarmante en RDC du fait des conflits armés dans les provinces orientales; déplore la perte de vies humaines et exprime sa sympathie au peuple de RDC; déplore que, selon les estimations, 27 millions de Congolais aient besoin d’une aide humanitaire et que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays soit en augmentation en RDC, et que jusqu’à présent, six millions de Congolais aient été déplacés, dont 515 000 réfugiés;
- demande à l’Union et aux autres partenaires internationaux de fournir une aide humanitaire destinée à la région; insiste sur le fait que l’aide humanitaire financée par l’Union devrait être destinée à aider les personnes vulnérables, telles que les victimes de violences sexuelles, et à améliorer les déterminants sociaux de la santé; demande à l’Union de continuer à accroître son financement de l’aide au développement et de l’aide humanitaire en faveur de la RDC pour la période de programmation 2021-2027; demande instamment à toutes les parties de permettre et de faciliter l’accès de l’aide humanitaire à toutes les personnes dans le besoin et de rendre possible le retour volontaire et en toute sécurité des personnes déplacées;
- condamne vigoureusement toutes les agressions brutales menées actuellement par des groupes armés; demande au groupe armé du M23 de se retirer de ses positions, de se désarmer et demande à tous les groupes armés de la région de rejoindre à nouveau le dialogue intercongolais (processus de Nairobi) en vue d’un désarmement, d’une démobilisation et d’une réintégration dans les communautés; invite tous les acteurs étatiques de la région à cesser toute coopération avec le M23 et d’autres groupes armés dans la région; prie instamment tous les gouvernements concernés de veiller à ce que tout règlement politique ne comporte pas d’amnistie pour les responsables de crimes internationaux graves et à ce que les commandants du M23 qui ont commis des exactions ne soient pas autorisés à intégrer les forces armées de la République démocratique du Congo;
- encourage vivement le Rwanda à ne pas soutenir les rebelles du M23; invite l’Union et ses États membres à imposer des sanctions à l’encontre des auteurs de violations des droits de l’homme dans l’est de la RDC au moyen du mécanisme mondial de sanctions en matière de droits de l’homme; demande que les sanctions à l’encontre des hauts commandants du M23 soient maintenues et étendues afin d’inclure les responsables récemment reconnus responsables de graves exactions, ainsi que les hauts fonctionnaires de toute la région complices des exactions du groupe armé;
- exprime sa profonde inquiétude face à l’ensemble des menaces et des violations des droits de l’homme subies par les femmes et les filles lors des conflits armés, et reconnaît que les femmes et les filles sont particulièrement menacées, car elles sont souvent spécifiquement prises pour cibles et sont davantage exposées à la violence dans les situations de conflit et d’après-conflit, ce qui les empêche de participer aux processus de paix; demande instamment à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour éradiquer le fléau des violences sexuelles et sexistes dans l’est de la RDC, de protéger les victimes, de mettre un terme à l’impunité des auteurs des violences et de garantir aux survivants l’accès à la justice, à des réparations et à des voies de recours;
- prie instamment la communauté internationale de prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à la violence actuelle, notamment en encourageant la promotion du dialogue et des solutions non violentes et en soutenant le processus de médiation régional, le processus de Luanda, lancé par le président angolais João Lourenço; met en avant que tous les États parties à la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), à la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) et à la conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) doivent respecter les principes convenus dans le cadre du Conclave des chefs d’État de l’Afrique de l’Est et du processus de médiation de Luanda; souligne avec force la nécessité d’une coopération transfrontalière dans la région des Grands Lacs africains;
- demande la création d’un mécanisme formel de vérification dans le cadre d’efforts plus larges de réforme du secteur de la sécurité, afin de mener des enquêtes sur les candidats en vue de leur éventuel renvoi et de garantir que les forces de sécurité agissent d’une manière compatible avec les droits de l’homme et les normes en matière de droit humanitaire internationaux;
- prie instamment la Commission et les États membres de l’Union de veiller à ce que la future stratégie de l’Union pour les Grands Lacs africains reflète de manière adéquate les nombreux et sérieux défis humanitaires et en matière de droits de l’homme, tant au niveau national qu’au niveau régional, en particulier en RDC;
- invite les pays voisins de la RDC à redoubler d’efforts pour lutter contre la contrebande de minerais provenant de zones de conflit à travers leurs pays et contre le commerce illicite de ressources naturelles qui alimente le conflit; souligne l’importance de redoubler d’efforts pour tarir le financement des groupes armés impliqués dans le commerce illicite de ressources naturelles, y compris l’or et les produits issus d’espèces sauvages; invite la Commission à évaluer les incidences et l’efficience du règlement (UE) 2017/821 lors de son examen du fonctionnement et de l’efficacité de ce règlement;
- charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Service européen pour l’action extérieure, à l’Union africaine, au Conseil des ministres ACP-UE, à l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, au secrétaire général de l’Organisation des Nations unies ainsi qu’au gouvernement et au Parlement de la République démocratique du Congo et aux autres pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
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