Finies les vacances parlementaires au Sud-Kivu. Les députés sont revenus depuis le 30 septembre dernier en session essentiellement budgétaire dite de « septembre » et les enjeux sont de taille.
Quelques jours seulement, soit le 14 octobre, un calendrier des travaux à exécuter au cours de ladite session a été adopté en plénière.
Au-delà d’être une session budgétaire, la session de septembre s’annonce déterminante et affiche déjà, sur le plan politique, ses couleurs. En clair, le climat n’est pas favorable au Chef de l’Exécutif provincial.
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En premier lieu, il s’agira du suivi de l’exécution des recommandations du rapport sur l’exploitation illicite des minerais à Mwenga. Un rapport dont les conclusions ont dénoncé l’implication du Gouverneur Théo Ngwabidje dans la « mafia » qui s’opérait à travers l’exploitation des minerais à Mwenga. Les élus avaient appelé à des sanctions contre celui-ci.
Puis pourrait surgir la question de l’évaluation des contrats de Partenariat Public Privé (PPP) signés par le Gouverneur et les privés. Il y a également l’épineuse question du contrôle effectué par l’Inspection Générale des Finances (IGF) en province et dont une copie qui a fuité fait état du détournement par l’exécutif provincial, d’un montant de plus de 6 millions des dollars américains.
En effet, lors de la plénière du 14 octobre, plusieurs députés sont passés du haut du perchoir pour exiger que tous ces points soient retenus parmi les dizaines d’autres à traiter pendant la session de septembre.
Mais pourquoi ces deux points constituent-ils un enjeu politique aux fins désagréables pour le chef de l’exécutif ?
En novembre 2021 lors de la présentation du rapport sur l’exploitation illicite des minerais à Mwenga par la commission spéciale mise sur pied par l’organe délibérant, il a été noté un désordre dans le secteur.
Selon les recommandations qui ont été faites, il a été décidé l’interpellation du Gouverneur Théo Ngwabidje comme répondant numéro n pour éclairer la lenterne des élus provinciaux. Près d’une année après, les élus provinciaux n’ont pas oublié cette recommandation. Ils veulent donc revoir le Gouverneur Théo Ngwabidje devant eux pour répondre, comme ils l’avaient souhaité, à leurs préoccupations.
« Il a été adopté à son temps par la majorité des députés que le Gouverneur devait être appelé ici à l’Assemblée pour être entendu sur le dossier de Mwenga. Ça n’a jamais été fait. C’était une recommandation votée et ce sera l’occasion que nous puissions revenir sur cette recommandation et j’espère que ce sera fait cette fois-ci », soutenait vendredi dernier le député Georges Musongela ; élu de Bukavu.
Pour ce qui est de l’évaluation des contrats de Partenariat Public Privé (PPP), le Président de l’organe délibérant a clairement dénoncé un état des choses qui ne profite pas à la province.
Dans son discours d’ouverture de la session en fin septembre dernier, Zacharie Lwamira a exprimé la volonté de son institution de revoir tous les contrats PPP signés par la province et au besoin rompre avec cette pratique.
Plusieurs questions se posent: comment cette évaluation se fera-t-elle ? L’organe délibérant ne veut-il pas garder la pression sur le Gouverneur de province reproché d’avoir signé plusieurs contrats en violation des lois et/ou des procédures ?
Et sur le rapport de l’IGF ?
Sur l’épineuse question du contrôle de l’IGF, les élus provinciaux veulent obtenir officiellement de cette institution, le rapport final de son enquête, pour disent-ils, reprendre leurs responsabilités et en tirer les conclusions.
« Aujourd’hui, il y a quelqu’un qui a fait notre travail. Il y a un rapport parce que l’IGF est passée. D’ailleurs des informations à notre possession démontrent que lorsque l’IGF était en mission ici en province, même les recettes ont haussé. Après le départ de l’IG, l’argent a encore baissé. Comme nous avons déjà ce rapport qui a été produit, nous ne voulons plus rester dans les spéculations des réseaux sociaux. Ça ne nous coûte rien d’inscrire ce point pour que nous puissions demander officiellement ce rapport à l’IGF et nous, nous allons en tenir compte comme pièce » , avait motivé un élu, invitant le bureau de l’organe délibérant à inscrire cette question sur le calendrier de la session.
Chose faite, tous ces points ont été inscrits au calendrier des travaux de la session de septembre et le moment venu, ils seront traités un à un.
Déjà au sein de l’organe délibérant, cette situation créé des frustrations dans les camps des députés provinciaux, selon que certains soutiennent ou non le Gouverneur de province.
Vers une énième confrontation?
Depuis quelques années, des députés provinciaux accusent le Gouverneur de megestion et nombreux au Sud-Kivu voient déjà en ces questions l’annonce des actions visant à évincer Théo Ngwabidje Kasi.
Des analystes politiques en province prédisent que cette session risque d’engendrer encore une fois des turbulences politiques entre les deux institutions (Assemblée provinciale et Exécutif provincial) dans un contexte de reconfiguration de l’espace politique au pays et au Sud-Kivu.
« Ça toujours commencé de cette façon. On sait déjà à quoi ils veulent aboutir » s’exclame un habitué de l’Assemblée Provinciale.
La session étant essentiellement budgétaire, certains pensent que les députés provinciaux devraient user de la retenue et éviter à la province la situation qu’elle a vécue en 2021, où le projet d’édit budgétaire exercice 2022 a été promulgué sans avoir passé à l’examen et adoption de l’Assemblée provinciale. Cela suite à la tension qui a prévalu entre l’organe délibérant et l’exécutif provincial. Une tension née à la suite du dépôt, par les élus provinciaux, d’une motion de censure contre le gouvernement provincial.
En tout état de cause, l’Assemblée provinciale a lancé les travaux et les Sud-Kivutiens, désormais très critiques envers la representation provinciale, veulent voir leur vécu s’améliorer. Chacun devrait jouer son rôle!