Intervenons-nous

16,8 milliards d’euros : c’est le montant des importations européennes d’hydrocarbures russes depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, selon des estimations du Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea).

C’est une estimation qui permet de saisir l’ampleur des volumes d’échanges d’hydrocarbures entre la Russie et les pays européens, alors que la guerre en Ukraine fait rage. Selon le centre de recherche le Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea), le montant des flux entre le Kremlin et l’Europe depuis l’invasion déclenchée par la Russie s’élève à 16,8 milliards d’euros (soit 646 millions par jour). Dans le détail : 10,6 milliards d’euros pour le gaz, 5,77 pour le pétrole (brut et raffiné) et 438 millions d’euros pour le charbon.

Une masse monétaire qui permet à Vladimir Poutine de financer sa guerre et de résister pour le moment aux sanctions économiques imposées par les Occidentaux.

Cette estimation du Crea, une ONG qui se revendique indépendante depuis sa création en 2019 à Helsinki (Finlande), se base sur plusieurs sources et une méthodologie expliquée ici : elle prend en compte le volume des exportations de pétrole brut, de produits pétroliers et de GNL sur la base de la capacité de fret totale (tonneau de port en lourd) des navires de différents types quittant les ports russes vers un port de l’Union européenne, extrait de MarineTraffic.com. Ce volume est croisé avec les prix de l’indice de référence d’Eurostat. Pour le gaz, l’estimation se fonde sur la base de données ENTSOG, qui suit en direct les flux transitant par les plus importants pipelines reliant l’Europe à la Russie.

Une fourchette basse ?

Depuis le déclenchement de la guerre, les importations européens de gaz russe ont augmenté de façon importante. La semaine dernière, les livraisons ont progressé de 3% par rapport à celle précédente, « les niveaux les plus élevés depuis décembre 2021 », soulignait Kaushal Ramesh, analyste pour Rystad Energy.

L’estimation du Cera depuis le 24 février, est en-dessous de celle relayée par l’économiste en chef du géant Allianz. Ludovic Subran estimait quant à lui à 800 millions d’euros par jour le montant des importations pour le seul gaz russe. Cette fourchette multipliée par les 26 jours du conflit attendrait environ 20 milliards d’euros.

Pression pour imposer un embargo européen

Des voix s’élèvent pour demander l’arrêt des importations d’hydrocarbures russes qui participent au financement de la guerre menée par le maître du Kremlin en Ukraine. Plusieurs économistes demandent à l’UE et à la France de s’en passer et proposent des alternatives. Clément Beaune, secrétaire d’Etat à l’Europe, a confirmé la semaine dernière que ces sommes permettent de soutenir financièrement l’invasion russe.

C’est dans ce contexte que le président ukrainien Zelenski exhorte les pays européens à stopper leurs importations d’hydrocarbures. Il a appelé ce lundi l’Union européenne, et en particulier l’Allemagne, à cesser tout « commerce » avec la Russie, et notamment à refuser ses ressources énergétiques, dans une vidéo sur la messagerie Telegram.

Son intervention coïncide avec la tenue lundi d’une réunion à Bruxelles des ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE pour examiner de possibles nouvelles sanctions contre Moscou, près d’un mois après le début de l’invasion russe le 24 février.

La Russie estime qu’un embargo ferait grimper en flèche les prix

Reste à savoir si les Européens franchiront le pas. Le Kremlin a estimé lundi qu’un potentiel embargo européen sur le pétrole russe frapperait « tout le monde ». Il aurait « une influence très sérieuse sur le marché mondial du pétrole, une influence néfaste sur le marché énergétique en Europe. Mais les Américains n’y perdront rien, c’est évident« , a affirmé Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.

Une déclaration qui fait écho au choix des Etats-Unis et du Royaume-Uni, annoncé il y a une dizaine de jours, de la mise en place d’un embargo sur les hydrocarbures russes.

Les Européens, très dépendants des approvisionnements russes, ont jusqu’ici exclu de sanctionner ce secteur, très important pour l’économie de la Russie. En 2021, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (IAE), l’Union européenne (UE) a importé 140 milliards de m3 de gaz de Russie par gazoduc et 15 milliards de m3, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Ces 155 milliards de m3 représentent 45% des importations totales de gaz de l’UE, et presque 40% de sa consommation totale. Et pour le pétrole, l’Europe importe environ 4 millions de barils par jour (Mb/j) de la Russie.

« Ne sponsorisez pas s’il vous plaît les armes de guerre de ce pays, de la Russie », a dit le président Zelensky, avant de s’adresser directement aux Allemands : « vous avez la force, l’Europe a la force« , a-t-il lancé. L’Allemagne a été critiquée pour son opposition à un embargo immédiat sur les hydrocarbures russes, dont elle dépend fortement. Moscou lui fournit presque 60% de ses importations de gaz, avec quelque 50,2 milliards de mètres cubes reçus par Gazprom en 2021.

L’Europe s’organise pour réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes

Ainsi, l’Allemagne, qui craint de manquer de gaz l’hiver prochain, a annoncé dimanche l’accélération de la construction de deux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le cadre d’un accord énergétique de long-terme avec le Qatar. Le Qatar est l’un des trois plus gros exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL).

Face à sa dépendance au gaz russe, l’Europe tente de s’organiser. Le ministre français de l’Économie a défendu vendredi dernier auprès de ses homologues européens l’idée d’avoir « un plafonnement à 27 des prix du gaz ». Cette mesure, qui n’a pour le moment pas reçu un accueil positif unanime, aurait pour but de lutter contre l’augmentation massive des prix de cette énergie. Les prix du gaz se sont envolés ces derniers mois, et, après une flambé aux premiers jours de la guerre, ils se sont stabilisés.

Autre idée avancée, celle de l’Italie, pour limiter la dépendance et les fluctuations du marché : « un stockage commun (du gaz, ndlr) permettrait de nous protéger mutuellement. Des achats communs permettraient d’avoir un meilleur pouvoir de négociation face aux fournisseurs », a poursuivi Mario Draghi, le Premier ministre italien.

Chaque pays de l’UE met en place son propre arsenal anti-inflation, qui repose sur des baisses de taxes sur l’énergie, des réductions des prix et des aides ciblées, alors que les économies européennes sont inégalement touchées. Le ministre italien de l’Économie et des Finances, Daniele Franco, a annoncé une taxe de 10% sur les profits supplémentaires engrangés par les compagnies, sans donner plus de détails pour le moment.

Avec La Tribune

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