Le septième numéro de la chronique « Mon point de vue » animée par le pasteur Nicolas Kyalangalilwa revient ce 10 Janvier 2022 sur les conflits dans les Hauts et Moyens Plateaux d’Uvira, Fizi et Mwenga alors que plusieurs actes graves se multiplient.
« Deux militaires, deux assassinats, deux réponses – la radicalisation et déshumanisation d’un conflit qui se pérennise.
Le 09 décembre 2021, le Major Kamizobe, un officier des FARDC est lynché et brule vif par des jeunes de Lweba.
La Scène est filmée et postée sur les réseaux sociaux. Elle devient virale. Tout le monde condamne. Une enquête est même lancée mais jusqu’à ce jour on n’en connait pas l’issue. Son crime ? Il est d’une tribu qui est accusée d’être à la base de la guerre dans la région.
Pendant que certains condamnent cet assassinat d’un officier supérieur de l’armée congolaise, d’autres n’y voient qu’une justice retributive. Un des vôtres a tué les miens, je m’en prends aussi à vous.
Ça me rappelle la fable de La Fontaine le loup et l’agneau.
« Reprit l’Agneau ; je tette encore ma mère
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Je n’en ai point. C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge. »
Quelques temps après, le lundi 27 décembre 2021, un autre officier de l’armée est tué (et quatre de ses soldats). Le colonel Kyembe Yaoundé a été victime à Kamombo d’une attaque d’un des groupes armes de la région. S’agissait-il d’un acte de vengeance ? Malheureusement il sera appréhendé et tué sauvagement.
Son corps décapité. Des cris s’élèvent dans certains milieux. Curieusement pas les mêmes qui ont condamné le crime de l’autre officier supérieur.
Ces deux attaques sur les forces de l’ordre bien qu’à des temps différents, par des groupes différents et selon des motivations différentes, démontre une tendance qui pointe à plusieurs faits. Je vais en citer trois :
- La radicalisation et déshumanisation des tueries dans la région
Il est maintenant plus que clair que le schéma de la violence semble avoir été choisi par les différents groupes vivants dans les hauts plateaux comme seule moyen de résoudre leur problème. Est-ce une conséquence de ces multiples dialogues ratés ou alors un refus de puiser dans l’imaginaire pour y trouver le courage de créer un monde différent que celui hérité du passé ? Ces tensions durent depuis que la RDC est un Etat (et qui sait peut-être même plus loin que cela).
Ce combat se mené sur terrain, sur les réseaux sociaux, sur le plan diplomatique et maintenant on y a aussi invité (ou ils se sont invités eux-mêmes qui sait) les voisins de la sous-région. Ce capharnaüm n’augure rien de bon.
- L’escalade des violences qui n’épargnent plus les forces de l’ordre pour un conflit communautaire cela devrait inquiéter (Le colonel Kyembe Yaoundé n’était même pas Sud-Kivutien)
Le choix de la violence comme moyen de résoudre les problèmes dans les Hauts et Moyens Plateaux de Fizi, Uvira et Mwenga se démontre par une ascendance des discours de haine et de radicalisation.
Le signe le plus alarmant est le fait que l’armée loyaliste (FARDC) n’est plus vue comme neutre mais comme faisant partie aux conflits selon que vous parlez à un groupe ou un autre. Et pourtant tout le monde qualifie ce conflit de communautaire.
Et si réellement il s’agit d’un conflit communautaire pourquoi alors personne ne veut que l’Etat congolais (par le biais de son armée) serve d’arbitre ? En tout cas deux de ses officiers (en uniforme) ont été la cible des attaques des communautés.
L’arbitre a été battu par ceux qu’il était censé départager. Devrions-nous alors trouver un autre terme à ce conflit ? Je crois qu’il est temps de commencer à y penser.
- L’inattention de l’Etat face à un conflit qui risque d’embrasser la région
Et depuis la mort de ceux deux officiers, on a vu des déclarations de l’armée mais rien n’a changé sur terrain.
Aucune enquête sérieuse n’a abouti à des condamnations ou des jugements. Cela n’étonne personne.
Dans la région, malgré les divergences, tout le monde comprend la faiblesse de l’Etat Congolais.
D’ailleurs cette faiblesse est la cause de ces tensions et de cette escalade en violence observée dans les Hauts et Moyens Plateaux.
Pire maintenant, on y assiste à une guerre par procuration entre deux pays voisins dont une des armées est officiellement entrée pour mater les rebelles formés par un autre pays. Je tais les noms mais tout le monde les connaît.
Quand les choses changeront dans ce coin ? Combien des civils, des militaires doivent encore mourir pour que finalement l’Etat, la Société civile et la population se réveillent de leur torpeur et décident de puiser dans son imaginaire pour créer une région en paix où les conflits ne sont plus le « Pain quotidien » et la « loi du talion » n’est plus la règle ?
En attendant nous pleurons encore nos morts…et Dieu seul sait ce que la suite en sera…
A très bientôt pour un nouveau numéro.
Rév. Nicolas Kyalangalilwa
Acteur de la Société Civile.