Lors d’une audience publique du Tribunal de Grande Instance de Goma, tenu le 5 octobre 2021, dans une affaire opposant le député provincial Habinshuti Seninga Robert à M. Dunia Bakarani Faustin, un scandale a été remarqué par l’assistance. En effet, dans cette cause tournant autour d’un conflit foncier, l’élu de Masisi a initié une procédure de récusation de 5 juges de ce tribunal, pour un motif d’inimitié.
Mais un dossier judiciaire ayant été ouvert, les magistrats récusés ont systématiquement refusé de réceptionner les actes de notification de leur récusation.
Pire encore, lorsque les avocats du député Seninga ont produit sur le banc du tribunal la requête de leur client, dument réceptionnée par le tribunal et le numéro du dossier de réquisition ouvert, la composition du tribunal dirigé par un juge concerné par la récusation, a, contre toute attente et à la surprise générale de l’assistance, décidé de rejeter cette récusation, malgré l’avis bien avisé du ministère public, qui a rappelé que dès lors qu’il y a une rupture de confiance entre les juges et les justiciables, les juges devraient se déporter sportivement.
Au cours de cette audience, le juge a aussi décidé de poursuivre l’instance, en privant le député Seninga du droit d’exercer un recours contre cette décision rendue sur le banc, et rejetant sa requête.
Ce scandale amène à réfléchir sur la centralité qui est attendue d’un juge. C’est le cas ‘un juriste présent à cette audience, qui demande si la loi autorise à un juge récusé de statuer sur sa réquisition, et de priver au requérant son droit au recours.
«Le gouvernement de la République et toutes les autorités judicaires doivent avoir un regard attentif sur ce qui se passe au TGI de Goma. Est-ce qu’un tel juge peut agir sans la bénédiction du premier président de la cour d’appel ? » se demande—t-il, avant d’estimer que c’est l’occasion pour le Président de la Cour d’Appel du Nord-Kivu de remettre de l’ordre dans ce dossier, «en évitant un silence coupable.»
«La suite de cette affaire permettra à l’opinion de savoir si les juges sont capables de résister face aux sollicitations des prédateurs,» commente-t-il.
Signalons que cet incident survient alors que la province du Nord-Kivu est en plein état de siège. En cette période, beaucoup estiment que l’appareil judiciaire a un rôle très important à jouer, car elle doit mettre en place la politique de l’état de droit, pour éviter que la justice ne puisse être un outil générateur de conflits sociaux, surtout dans une province meurtrie et dans laquelle les élans de justice populaire sont très inquiétants.
La grande question à se poser à ce stade, serait donc de savoir si les animateurs de la justice sont aussi conscients de cette influence qu’ils jouent sous l’état de siège, car même en plus de leur niveau de conscience, d’aucuns pensent que ces derniers devraient être capables d’affirmer leur indépendance vis-à-vis des injonctions de la hiérarchie et des sollicitations multiples des personnes qui se cachent en dehors du droit, en utilisant leur argent pratiquement pour « acheter » le jugement.
Pour rappel, le député Robert Seninga a acheté la concession SR 222 de la circonscription foncière de Masisi ayant appartenu à M. Kanyarwanda Cléophas, un ancien directeur général de la BDGEL, alors que son contrat d’emphytéose aurait expiré en 2017, selon la défense de Mr Dunia Bakarani.
Egide Ruberangiza, Conservateur des titres immobilier de Masisi, a donné sans contrat un certificat d’emphytéose en 2018 à M. Dunia Bakarani.
Des juristes interrogés sur la question dénoncent cette pratique illicite du CTI de Masisi, qui a non seulement crée une concession dans une autre (SR 768 qu’il a créé dans la SR 222), mais a aussi signé sans aucun soubassement, un certificat d’emphytéose à Mr Dunia Bakarani.
Il s’agit, selon certains analystes, d’une superposition des concessions et des titres au préjudices de M. Robert Seninga.
La concession disputée se trouve dans le groupement de Kibabi, en territoire de Masisi, sur le Bloc Ngokwe ayant appartenu à des colons, zaïrianisée, puis attribuée au Mwami Kalinda. Kalindaavait donc vendu cette concession à Kimbwa Nje-Soro, qui le vendra à son tour à Kanyarwanda Cléophas. Et ce dernier, par sa succession, l’a vendu au député Seninga.
Freddy Ruvunangiza, depuis Goma