Dans cette tribune que vous propose Laprunellerdc.info, l’Abbé Jean-Baptiste Kabazane parle du sens élevé d’amour et de patriotisme de Vital Kamerhe, à travers son appel à la mobilisation adressé aux leaders politiques congolais, face à la crise humanitaire due à l’éruption du volcan Nyiragongo au Nord-Kivu.
VITAL KAMERHE, LE PATRIOTE AUX AILES D’AMOUR.
L’amour fait pousser des ailes, dit-on. De Vital Kamerhe on ne dira jamais assez. Aujourd’hui, dans le froid glacial de la privation de liberté, gratifié par une santé chancelante, et à la porte du tribunal pour le procès en appel, l’homme fragilisé par la ruse multidimensionnelle, fait penser à une force dans la faiblesse, une noblesse d’esprit et un grand cœur enfouis au creux du mystère de la souffrance.
Cet homme, que Constantin Kamerhe et Alphonsine Nemberwa se réclamaient hier comme fils à eux, est vite devenu, par son sens élevé de patriotisme, le fils du Congo entier et même du monde quand on pense aux cœurs qu’il a remplis d’admiration et de conviction.
Ce Mwalimu (enseignant) d’une sportivité irréfragable, d’une intelligence piquante et d’une estime profonde pour la personne humaine, est aussi le Pacificateur, convaincu que le dialogue arrange mieux et vite et produit des résultats de salut que les poings. Pour cette valeur de la paix, il donne tout. Les jeunes générations y voient toute une école de patriotisme et un phénomène politique insaisissable.
Alors que la catastrophe naturelle de l’éruption volcanique tente de nous arracher à l’amitié et à la fraternité d’avec Goma et Nyiragongo, l’aigle de Bulwi entend ce malheur, dans sa cellule de souffrance, comme une nouvelle mission et une vocation à plaider pour l’homme.
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Son amour pour le Congo et le congolais, lui fait pousser des ailes et quand il invite les grands Leaders nationaux -lui même inclus, à oublier un instant les divergences politiques afin de privilégier le bien des peuples victimes ; il nous dit, sans le dire, qu’il est un « Catéchiste politique » qui, en des jours de malheur annonce des possibilités de maintien de l’espérance, ferment de la vie ici-bas.
Mais il est une question : comment un prisonnier d’autrui, caressant une santé délicate et broyant l’amertume de l’humiliation, s’est vite envolé pour se poser sur les toits des maisons à Goma et en clamer la misère ? D’où lui vient pareille sérénité dans le malheur ? L’homme en chapelet connait bien cette maxime de l’abbé Pierre : » Aimer c’est, quand tu souffres j’ai mal ». Minimisant sa souffrance, car il a devant les yeux celle de tout un peuple, il trouve dans la solidarité collective ce qui peut sauver et faire revivre autrui.
C’est par lui-même qu’il commence, puis alors invitant ses frères Leaders politiques à tendre leurs mains secourables, il professe un patriotisme qui en fait un « bon Samaritain » (cf. 10, 29-37). Et toute femme, tout homme qui se laissera toucher par ce malheur est « un bon samaritain ».
Voilà le patriotisme qui puise dans les valeurs chrétiennes son aliment. Déjà en 2010, alors que Kamerhe était candidat à la magistrature suprême, il rêvait d’une politique de combat pour le bienêtre de l’homme. Son livre, sorti à l’occasion de la campagne électorale : » _Vers une politique chrétienne à l’instar de Messeigneurs Munzihirwa, Kataliko et Charles Mbogha_, dégage le parfum du patriotisme nourri de la foi chrétienne.
En effet, le patriotisme, comme un des modes les plus sublimes de l’amour fraternel, enseigné et vécu par Jésus, est une valeur chrétienne. Cette compassion collective (à laquelle le message du prisonnier politique appelle les siens), évoque bien celle du Samaritain qui ne se déroba point et ne tourna point de regard face à l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, tombé dans les mains des bandits. Nyiragongo et Goma et une partie du Rwanda voisin sont tombés dans les mains d’un bandit, ce volcan terrifiant et dévastateur.
Kamerhe invite alors ses frères à se mobiliser pour faire monter chacun les victimes sur sa monture et accepter de payer ce qui serait demandé pour leurs soins, habitations, sécurité, bref pour la réhabilitation de leur humanité. Il réalise combien il existe une certaine honte à être heureux tout seul. Ah, s’il pouvait être bien et vite compris par tous !
La foi a besoin de bonnes œuvres pour son dynamisme. Napoléon a dit : » C’est la force morale qui gagne les batailles ». Kamerhe invite les Responsables et dignitaires congolais à vérifier l’exactitude de cette sentence par un acte hautement moral : se priver, partager, s’oublier un peu pour la cause de Nyiragongo et Goma. Il s’agit pour chacun des dignitaires et toute personne de bonne volonté d’aimer en actes.
J’admire avec beaucoup de Congolais pareille conviction de Kamerhe. Je découvre un fonds inaliénable d’humanité, de générosité et de noblesse qui orne ce cœur pourtant meurtri par la souffrance de la condamnation ourdie en quelque endroit.
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Cher Vital, beaucoup se chuchotent comment un pendu et condamné au bois patibulaire de la méchanceté a eu cette force d’âme à la veille de la reprise du procès en appel dit de 100 jours ? La réponse est, certes, dans cette conviction que le Congo n’est pas une vallée des larmes et qu’un sursaut de générosité et de solidarité suffit pour en faire un havre de paix et de bonheur partagés.
Bientôt le 31/5/2021, que dire enfin ? Toute épreuve est pour un temps. Nous lisons dans les livres mystiques que Dieu a donné au Mal la même force qu’au Bien et la lutte entre eux se perpétue. Mais il a donné au Bien quelque chose dont le Mal est dépourvu : c’est la douceur, de la sagesse et de l’amour, par laquelle le Bien triomphera.
Jésus, grand guerrier, a promis le Royaume aux violents et est venu mettre le feu sur la terre et son cœur brûle tant que ce feu n’est pas allumé. Son arme c’est l’amour. Ce feu, c’est l’amour. C’est avec les armes de l’amour qu’il combat, avec la patience, avec l’indulgence et le sacrifice. Jamais la folie de la haine, de la jalousie, de la vengeance et de la colère n’a entamé son calme et sa puissance de combattre n’est devenue que plus forte et plus invincible par cette constante maitrise de soi, lisons-nous chez les mystiques.
Retenez enfin, Honorable, cette autre sagesse mystique, que semer le bien partout où l’on passe irrite le mal et le mal attaque les serviteurs du bien et s’alimente, s’enrichit de leurs dépouilles.
» Heureux qui pense au pauvre et au faible, le Seigneur le sauve au jour du malheur » (PS 40,2). Vital, vous avez pensé aux malheureux de Nyiragongo et Goma, comme il y a des mois, vous avez essuyé les larmes de vos collègues prisonniers à Makala, partageant avec eux votre repas, votre foi et votre espérance et disant à l’un ou l’autre : » lève-toi et marche ».
Que Dieu vous vienne aussi en aide en ces temps et vous comble bien au-delà des attentes. Que les anges répandent dans les sillons creusés par les obus politiques les semences de la concorde et de la justice pour vous. Paix et bénédiction.
Abbé Kabazane Nsibula Jean-Baptiste