Intervenons-nous

La Société Civile du Sud-Kivu vient de proposer  à l’Assemblée Nationale une série de propositions, dans le cadre des réformes électorales examinées par la chambre basse du Parlement dès le début de cette session.

L’une des innovations contenues dans ces propositions, est le fait que tous les animateurs des institutions publiques devraient démissionner, dès la publication par la CENI de la liste définitive des candidats.

Pour le Président de la République, il devra démissionner 3 mois avant les élections, s’il est candidat à sa propre succession.

Laprunellerdc.info vous propose ci-dessous en intégralité, les réformes proposées par le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu.

BUREAU DE COORDINATION DE LA SOCIETE CIVILE DU SUD KIVU                               

GROUPE THEMATIQUE ELECTION ET BONNE GOUVERNANCE

Concerne : Note de plaidoyer au sujet des réformes électorales en discussion à l’Assemblée Nationale à Kinshasa

A l’attention du Président du Bureau de l’Assemblée Nationale

Honorable Président

Honorables Représentants du Peuple

  1. Mobiles du plaidoyer

Le Bureau de Coordination de la Société civile du Sud Kivu à travers son groupe thématique « Election et Bonne Gouvernance » a accueilli avec intérêt les propositions de réformes électorales soumises à l’appréciation du législateur congolais. Elles concernent essentiellement la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI ainsi que la loi électorale ayant toutes une incidence sur la Constitution de la République.

A ce jour, il sied de noter que la priorité a porté sur l’analyse de l’initiative de l’Honorable Christophe LUTUNDULA APALA relative à la proposition de loi organique sur la CENI. De cette analyse, un consensus s’est dégagé du débat général de la plénière de l’Assemblée Nationale dont les options ont été transmises à la Commission PAJ pour des analyses plus approfondies.

D’aucuns n’ignorent les agitations et les violences qui émaillent les élections  de part le monde en général, et en RDC, en particulier. Il est établi par différents rapports d’observation électorale (domestique ou internationale) que la fraude, souvent à la base de violences électorales, trouve ses origines dans les réformes électorales conduites d’habitude par les seuls politiciens ignorant souvent l’apport d’autres forces sociales. Et pourtant, l’ouverture du débat sur les reformes électorales à toutes les forces sociopolitiques du pays est un gage de transparence de l’ensemble du processus qui, au demeurant, doit revêtir un caractère participatif.

Honorable Président

Honorables Représentants du peuple,

Il est important à ce stade d’intérioriser votre mission de voter de lois aussi délicates que celles qui se rapportent au processus électoral, tant il en va de la stabilité des institutions de notre pays que de la consolidation de la démocratie pour la quelle nos Pères de l’indépendance ont offert leur vie.

Etant  en contact quotidien avec nos populations dans ses couches diversifiées, nous avons récolté différentes attentes de la population par rapport aux reformes en cours de traitement. Il en ressort clairement qu’aujourd’hui la place de la femme dans les instances de prise de décision à tous les niveaux n’est plus discutable, même pas négociable. En plus, la population a besoin de leaders élus de proximité pour animer les entités locales, cela passe par l’organisation d’élections locales qui trainent depuis 2006 pourtant prévues dans les lois essentielles et les différents calendriers électoraux rendus publics par la CENI.

Les différentes propositions de réforme ci-dessous reprises répondent à l’aspiration profonde d’améliorer le système électoral congolais dans le respect des standards internationaux de manière à rendre plus performante la gouvernance démocratique du pays. Elles pourraient certainement entamer la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011 mais pas dans « ses dispositions intangibles ». Toute tentative de toucher à celles-ci traduirait la volonté   d’enflammer une situation socio politique déjà fragilisée par les contextes sécuritaire et humanitaire dramatiques dans la partie orientale du pays.

L’alternance politique pacifiquement obtenue au sommet de l’Etat avec les élections de 2018 est le couronnement d’énormes sacrifices consentis par l’ensemble du peuple congolais après trois cycles électoraux qui ont offert à la RDC des institutions et des animateurs démocratiquement élus. Tous les congolais ont l’obligation morale de protéger ces acquis et d’œuvrer dans le sens d’améliorer les ratés.

  1. Nos propositions de reformes électorales

Pour besoin de contextualisation de nos textes électoraux et dans le respect des standards internationaux en matière des élections, le groupe thématique « élection et bonne gouvernance » de la société civile du Sud Kivu, après différentes séances d’analyse approfondie,  a levé différentes options qu’il soumet à votre appréciation à travers cette note de plaidoyer. Ceci est une réponse à sa vocation première d’être toujours à l’écoute, au service de la Nation et à son approche d’anticipation  pour ce qui est particulièrement du prochain débat sur la loi électorale.

Par cette note de plaidoyer, le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud Kivu voudrait apporter sa contribution aux efforts multiples du Chef de l’Etat, son Excellence Félix Antoine Tshisekedi TSHILOMBO qui tient à la construction d’un Etat plus démocratique, respectueux des valeurs républicaines et un pays où prévaut la primauté du droit. 

2.1. Par rapport à la modification de la loi organique n°13/012 du 19 avril 2013

Les arguments vont dans le sens de renforcer/d’encadrer l’indépendance de la CENI déjà garantie dans l’esprit et la lettre de l’article 211 de la Constitution de la République. Différentes options sont possibles.

a. En ce concerne les organes de la CENI et leur composition :  

  • Organe : maintien de l’Assemblée plénière et du Bureau
  • Composition : maintenir 13 membres, mais 6 membres du Bureau, exclusivement société civile et 7 issus de la composante politique (majorité et l’opposition) membres de la plénière.
  • La représentation de la femme devra être significative par liste de la composante. Une liste sans femme est irrecevable.

En ce qui concerne le Bureau, en vue de rendre plus indépendante la gestion de la centrale électorale, la composition sera exclusivement société civile, avec de personnalités dont  l’expertise est avérée en matière électorale, faisant preuve de l’intégrité morale, de la probité et l’indépendance d’esprit par rapport aux tendances politiques en présence. L’objectif étant de garantir aussi la stabilité des membres du Bureau car l’expérience récente montre que seule la Société civile a maintenu ses délégués à la CENI jusqu’à la fin de leur mandat légal. La dépolitisation du Bureau de la CENI en dépend énormément.

L’Assemblée plénière étant l’organe entre autre de contrôle, les membres de la plénière devront faire un contrôle semestriel de la CENI, présenter pour discussion le rapport à la plénière et le partager s’il échait à l’Assemblée nationale. En cas de mauvaise gestion, le règlement d’ordre intérieur et la loi puissent être de stricte application.

b. En vue de pérenniser la mémoire institutionnelle et vu la délicatesse des missions lui dévolues, l’option est de voter une loi spécifique qui doit régir le Secrétariat Exécutif National de la CENI

c. En Ce qui concerne le budget électoral

Prévoir des lignes budgétaires pour financer les élections 2023. Et pour éviter toute instrumentalisation politique du budget et toute tendance à la caporalisation du personnel de la CENI, prendre une disposition légale qui ordonne au ministère de finances de laisser à la CENI la latitude de gérer son crédit budgétaire.

2.2. Par rapport au débat en perspective sur la réforme de la loi électorale (loi n°017/013 du 24 décembre 2017)

Voici quelques propositions

a. Maintenir le système électoral en cours tel que défini à l’art 118 de la loi électorale. La représentation proportionnelle offre plus des bénéfices que des risques dans le contexte général de la vie politique en RDC. Les mobiles qui ont plaidé pour son choix sont toujours d’actualité jusqu’ aujourd’hui. C’est le meilleur système en matière de la représentativité de différentes opinions nationales.

b. Supprimer la notion de suppléance pour diverses raisons :

  • permettre à ce que seuls les vrais élus représentent effectivement le peuple
  • réduire l’ampleur du népotisme dans la sphère politique congolaise
  • surtout mettre définitivement fin à l’immoralité politique consécutive à son application.

Pour ce, en cas d’incompatible d’un élu, de décès, empêchement définitif, revenir à la CENI pour identifier le colistier venant en ordre utile des voix dans la liste pour besoin de d’équité et de justice.

c. Le député (provincial/national) ou le sénateur qui occupe une fonction incompatible avec son mandat d’élu du peuple doit perdre définitivement le siège.

d. Pour contribuer à la promotion et la participation politique de la femme en RDC; adopter l’une ou les deux options :

  • ne déclarer recevable qu’une « liste zébrée » dans chaque circonscription électorale.
  • Adopter le principe de « siège réservé» : pour cela, un siège devra être réservé à la femme dans chaque circonscription plurinominale (circonscription à plusieurs sièges à pourvoir).

             NB : Les deux options offrent un triple avantage :

  • d’abord les femmes participent à la compétition électorale au même titre que les hommes,
  • ensuite ces options contraignent les partis politiques à s’ouvrir davantage aux femmes, enfin,
  • et surtout, elles augmentent sensiblement la chance d’entrée massive des femmes dans les institutions issues des élections.

e. Maintenir le système de seuil électoral pour renforcer le regroupement de partis politiques : au niveau national l’élargir à 5% et au niveau des élections en province (y compris les municipales et locales) à 3%

f. Organiser l’élection des gouverneurs et sénateurs au suffrage universel direct cela afin de permettre à la population de ne pas être prise en otage par les députés d’une part car complices de l’Exécutif provincial et d’autre part éviter des motions de défiance purement alimentaire et qui déstabilisent les institutions provinciales. Cela étant, il faudra renforcer la question de responsabilité de l’exécutif provincial par une loi particulière en tenant compte du contrôle parlementaire qui doit être maintenu et élargi lorsque le gouverneur est mis en cause. Il faudra par exemple élargir la recevabilité de la motion et la mise en accusation de l’exécutif provincial à un nombre précis de signature par circonscription électorale ajouté à la moitié des élus provinciaux. Cela va renforcer le contrôle citoyen de la chose publique au niveau provincial

g. Maintenir les dispositions de l’article 27 de la loi électorale au sujet des 3 juridictions qui doivent connaitre des contentieux électoraux en maintenant la courte durée dans le traitement des contentieux. Il s’agit du tribunal administratif, de la Cour administrative d’appel et de la Cour Constitutionnelle. Et, au besoin, clarifier que le Conseil d’Etat ne fait pas partie des juridictions compétentes en matière de contentieux électoraux pour éviter la répétition de violations constatées des dispositions légales lors des élections de 2018 à la suite desquelles le Conseil d’Etat a crée de députés qui n’ont jamais siégé.

h. Restaurer le deuxième tour de l’élection présidentielle car il renforce la légitimité démocratique du Président élu.

i. Vu la complexité de la question, élaguer la question de vote des congolais de l’étranger étant donné que nombreux acquièrent la nationalité étrangère en violation de l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise dans le même ordre d’idée élaguer la question d’enrôlement des congolais de l’étranger par rapport à la loi sur l’identification et l’enrôlement des électeurs.

j. En vue de permettre aux élus d’exercer le mandat leur confié par le peuple, qu’une obligation légale soit faite aux élus d’exercer sans interruption le ¾ de leur mandat au sein des assemblées législatives. Ainsi la nomination au gouvernement et autres fonctions publiques devra être réservée davantage aux technocrates.

 

Honorable Président

Honorables Représentants du peuple,

La Société civile du Sud-Kivu voudrait attirer davantage votre attention sur deux propositions particulières suivantes : 

k. Création du corps d’inspecteurs électoraux

l. Démission de tous les animateurs des institutions publiques dès la publication par la CENI de la liste définitive des candidats et pour le Président de la République 3 mois avant les élections s’il est candidat à sa propre succession.

Ces propositions visent à corriger les multiples abus constatés dans la réalisation des cycles électoraux précédents et de rétablir de l’équité et la justice dans le jeu démocratique en RDC.  Beaucoup d’infractions liées aux élections  n’ont pas fait objet de poursuite judiciaire dans la mesure où certains compétiteurs jouissaient de privilège de juridiction lié à leur fonction.  En plus, la lourdeur des chefs des parquets à poursuivre certains candidats ou leurs militants qui se rendent coupable d’infractions avant, pendant et après la campagne électorale plaide pour la mise en place d’un corps des inspecteurs électoraux qui devront renforcer les services de différents procureurs dans le processus électoral. 

La nécessité d’instaurer un tel corps s’avère nécessaire étant donné que la CENI n’a pas de pouvoir répressif sur les candidats et leurs militants surtout en cas d’abus de biens publics. Ce corps d’inspecteurs devra aider les Parquets, tribunaux et cours à traiter dans un bref délai toutes les infractions du domaine électoral surtout en réprimant l’utilisation de biens de l’Etat pendant la campagne électorale.

Pour ce qui est de  la démission des membres d’institutions publiques (Président de la République, ministres nationaux et provinciaux, gouverneurs et vice gouverneurs, maires et maires adjoints, Bourgmestres et Bourgmestres adjoints, chefs de secteur et de chefferie) s’ils sont candidats retenus sur la liste définitive,  l’équité électorale veut que tous les compétiteurs soient placés dans les mêmes conditions. L’objectif étant de mettre fin à des pratiques illégales, entre autre l’usage abusif des biens publics par les mandataires étatiques en compétition  électorale, particulièrement pendant la période de la campagne.

 Mais pour le Président de la République, la démission s’explique aussi par le souci de garantir à la CENI toute son indépendance dans la prise de décision  en mettant fin à ses interférences.  Le Président du sénat peut faire l’intérim du Président de la République en conformité avec la Constitution. Mais s’il est aussi candidat à un quelconque scrutin, l’intérim du Président de la République revient au Président de la Cour de Cassation à titre exceptionnel car étant à la tête d’une haute juridiction du pays qui, non plus, n’est impliquée dans aucun traitement des contentieux électoraux.

m. Ne pas toucher les dispositions légales par rapport à la nationalité car cela risque de replonger le pays dans des crises aux conséquences imprévisibles.

n. Actualiser le fichier électoral pour prendre en compte les milliers de nouveaux majeurs en perspective des élections 2023 et élaguer le décès après audit.

o. Maintenir le statut d’expert à la CENI appelée devant les juridictions et non en faire une partie au procès

Honorable Président

Honorables Représentants du peuple,

Telle est l’économie de notre contribution aux reformes électorales en discussion dans notre pays, et vous en souhaitons bonne réception. Merci de l’attention particulière que vous voudriez bien y accorder.

Ainsi fait à Bukavu, ce 7 mai 2021

Pour la Société Civile du Sud-Kivu

Adrien ZAWADI L.

Président du Bureau de Coordination

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