Intervenons-nous

Au Sud-Kivu, l’annonce de la suspension, le 2 septembre 2025, de l’opération d’échange des billets usés à la Caisse d’Épargne du Congo (CADECO) suscite une forte inquiétude dans la population. Cette initiative, lancée pour retirer de la circulation les billets abîmés, collés ou perforés en échange de billets neufs, a été brusquement arrêtée par le gouverneur sous la rébellion de l’AFC-M23, Patrick Busu Bwa Ngwi, après une affluence massive qui a débordé les capacités de traitement.

Cette mesure, justifiée par « l’excès d’engouement », est perçue par habitants, commerçants et experts comme une source potentielle de crise monétaire. La crainte d’une raréfaction du franc congolais dans les bourses du Sud-Kivu, notamment à Bukavu, s’installe avec des répercussions directes sur un quotidien déjà difficile.

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Lancée avec enthousiasme, l’opération avait nourri un grand espoir : en finir avec la circulation de billets détériorés qui compliquent les transactions et freinent le commerce. Mais très vite, la réalité a rattrapé les autorités. Des centaines de commerçants, enseignants et fonctionnaires ont convergé vers la CADECO avec des sacs de billets usés, dépassant la capacité de l’institution à gérer un tel flux.

Un enseignant en économie, qui a requis l’anonymat, alerte sur un risque juridique et financier. « En RDC, seule la Banque Centrale du Congo (BCC) a le droit d’émettre la monnaie nationale. Or, la CADECO, qui opérait cette collecte et cet échange, ne semble pas en lien direct avec la Banque Centrale. Comment garantir l’authenticité et la provenance des billets distribués ? Cette omission pourrait ouvrir la porte à la circulation de faux billets », avertit-il.

Selon lui, retirer massivement des billets usés sans injecter une quantité équivalente de nouveaux billets pourrait provoquer une pénurie monétaire, avec plusieurs conséquences :

  • une dépréciation du franc face au dollar, déjà largement utilisé comme refuge de valeur ;
  • une hausse des prix ;
  • une baisse du pouvoir d’achat des ménages ;
  • une accélération de la dollarisation de l’économie locale.

Les signes de cette fragilité apparaissent déjà : dans les rues de Bukavu, certains agents bancaires mobiles proposent de payer les salariés directement en dollars, avec un taux de change oscillant entre 3100 et 3150 francs congolais pour un dollar.

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Pour les familles, les petits commerçants ou les fonctionnaires, ces enjeux monétaires se traduisent en réalités douloureuses. Derrière cette suspension technique se dessine une fracture entre les ambitions des autorités et les conditions économiques du terrain.

Le Sud-Kivu se retrouve ainsi à la croisée des chemins : l’avenir économique et social de la province dépendra de la capacité à préserver la confiance dans le franc congolais. La prudence et la transparence ne sont plus des options, mais une nécessité.

Abdallah Mapenzi

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