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    Dans un communiqué virulent daté du 20 juillet 2025, le député national Rukema Makangura Lévis dénonce « la manipulation et l’instrumentalisation croisées » qui, selon lui, alimentent depuis des décennies les violences dans les hauts-plateaux de Minembwe (territoires d’Uvira, Fizi et Mwenga, Sud-Kivu). Il affirme que la zone est assiégée, isolée du reste du pays et plongée dans une crise humanitaire « grave, mais ignorée », sur fond d’ingérences régionales, de recompositions armées et de propagande ciblant la communauté Banyamulenge.

    Le député replace l’escalade actuelle dans une trajectoire longue : les « guerres saugrenues » fomentées, selon lui, « dans l’ombre par le régime de Kigali » depuis la période AFDL, quand des cadres de l’armée rwandaise (RDF) occupaient des postes de commandement à Kinshasa (1997-1998) avant leur expulsion. De cette époque, soutient-il, découle une chaîne de violences qui se serait consolidée dans les hauts-plateaux d’Uvira, Fizi et Mwenga.

    2015 : infiltration de groupes armés burundais, 2017 : violences “multiformes”

    À partir de 2015, le communiqué décrit une intensification de l’infiltration des groupes Red-Tabara, FNL et FOREBU, « des éléments burundais ayant raté un coup d’État », recrutés, formés et armés « par le régime de Kigali » avant d’être déployés dans cette zone « fief des Banyamulenge ».
    En 2017, ces tensions se transforment, selon lui, en violences structurelles et persistantes, avec :

    Affrontements incessants entre groupes armés locaux et coalition Red-Tabara, FNL, FOREBU, visant prioritairement des villages banyamulenge ;

    Tueries de masse, provoquant la mort de centaines de civils et la dispersion de milliers de familles ;

    Destructions massives d’infrastructures de base (maisons, écoles, centres de santé, lieux de culte) ;

    Pillages systématiques destinés à appauvrir davantage des populations déjà précarisées.

    Lire aussi: Sud-Kivu : les FARDC dénoncent une campagne de désinformation menée par la Société Civile après avoir repoussé une attaque à Minembwe

    L’AFC-M23 et le « projet de domination régionale » : Minembwe coupée du pays

    Le parlementaire affirme que la guerre d’agression menée par le Rwanda et son supplétif AFC-M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu a fait irruption à Minembwe, provoquant l’isolement complet de la zone : rupture d’approvisionnement, famine, absence de soins, atteintes massives aux droits fondamentaux des civils.

    Minembwe est décrite comme “l’épicentre des attaques”, totalement coupée pour les civils, les autorités et même les acteurs humanitaires. Pour l’élu, l’ensemble s’inscrit dans une “dynamique expansionniste aux visées hégémoniques” du régime de Kigali, qui manipulerait idéologiquement et instrumentaliserait quiconque lui « tend la main », contre la communauté Banyamulenge, afin de justifier son intervention militaire.

    Lire aussi: Sud-Kivu : les FARDC interceptent un aéronef non identifié à Minembwe

    “Confusion profonde” et stigmatisation des Banyamulenge

    Le communiqué pointe un double effet :

    Instrumentalisation d’une partie de la communauté Banyamulenge par Kigali, au nom d’une “prétendue responsabilité historique” ;

    Généralisation et discriminations qui en découleraient, jusque dans certaines franges des forces de défense et de sécurité congolaises, nourrissant propagande, divisions et trahisons internes.

    Dans ce schéma, chaque incident impliquant un Banyamulenge deviendrait un prétexte exploité par « l’agresseur » pour diffuser sa narrative et creuser davantage les fractures sociales à l’Est du pays.

    Recrutements dans les camps de réfugiés

    Le député affirme que des “facilitateurs de l’agression rwandaise” parcourent des camps de réfugiés pour recruter intensivement des jeunes Banyamulenge au profit de l’AFC/M23. Objectif : redéployer régulièrement ces jeunes sur les lignes de front, en tentant de redorer l’image de leur « parrain », malgré une érosion de confiance de la part d’anciens alliés.

    Burundais salués, polémiques dénoncées

    À rebours des critiques, le député national Rukema “salue avec fermeté et reconnaissance” la présence des forces burundaises déployées dans les moyens et hauts-plateaux d’Uvira, engagées aux côtés des FARDC. Il condamne les « discours irresponsables » de certains Congolais qui accusent à tort ces troupes d’« exactions » alors qu’elles :

    Ont réduit les affrontements intergroupes armés ;

    Ont barré la route aux redéploiements des AFC-M23-MRDP sur l’ensemble des hauts-plateaux ;

    Ont facilité le retour sécurisé des populations de Rurambo, chassées par des coalitions Red-Tabara-Mai-Mai ;

    Assurent la protection des populations à Rurambo, Bijombo et Bibokoboko ;

    Permettent la reprise, partielle, des activités pastorales et les déplacements sécurisés vers les centres urbains.

    Lire aussi: Bukavu : La Commission africaine appelle à la solidarité avec les réfugiés à l’occasion de la Journée mondiale du 20 juin

    Après Washington (27 juin) et Doha (18 juillet) : “Veiller au retrait des RDF/M23”

    Faisant référence aux accords signés à Washington le 27 juin 2025 et à Doha le 18 juillet 2025, le député exhorte le gouvernement congolais à surveiller de très près le processus de désengagement/retrait des RDF/M23 présents sur les plateaux de Minembwe et passés au MRDP après leur déclaration d’allégeance.

    Selon lui, ces éléments pourraient s’en prendre aux civils pour en accuser ensuite le gouvernement congolais. Il alerte également sur un renforcement supposé des troupes AFC-M23 sur l’axe sud-sud, de Nyangezi vers Uvira, dans la perspective d’un sabotage des efforts de paix en cours à l’Est.

    Ce que demande le député Rukema

    1) Au Gouvernement congolais

    Protéger la population civile, en particulier les Banyamulenge des hauts-plateaux de Minembwe, “sous l’emprise de RDF/M23”, afin d’éviter « le pire » que le MRDP pourrait imputer à Kinshasa.

    2) Aux leaders et acteurs politiques

    Ne pas céder à la manipulation ni à l’instrumentalisation venue de l’étranger ;

    Ne pas manipuler les jeunes et la population civile innocente.

    3) Aux communautés locales

    Ne pas sympathiser avec l’ennemi qui agresse le pays ;

    Refuser toute manipulation.

    4) Aux jeunes

    Se désolidariser de l’agresseur ;

    Éviter de s’attaquer aux forces gouvernementales, malgré les dérives éventuelles de certains éléments ;

    S’engager dans la lutte contre l’agression injuste dont la RDC est, selon lui, victime du Rwanda.

    Ce communiqué intervient alors que les provinces orientales restent le théâtre d’une guerre d’usure, d’alliances mouvantes et de narratifs concurrents autour de la sécurité des populations civiles et de la protection des minorités. À cinq jours de sa publication (nous sommes le 25 juillet 2025), l’appel du député Rukema vise à placer la situation des hauts-plateaux de Minembwe au cœur des priorités nationales, à l’heure où les accords de Washington et Doha sont censés baliser une voie de désescalade — au moins sur le papier.

    Freddy Ruvunangiza

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