Le monde a célébré ce 10 décembre la Journée internationale des droits de l’homme, un moment dédié à l’évaluation des progrès et des défis en matière de libertés fondamentales. À Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, cette journée a pris une résonance particulière : nombreux sont les habitants qui s’interrogent sur l’accessibilité réelle et l’équité de la justice dans leur quotidien. Les avis recueillis dressent un constat mitigé.
La Prunelle RDC a rencontré plusieurs citoyens qui dénoncent de graves violations des droits humains et un système judiciaire affaibli.
Pour Jean Moreau Tubibu, défenseur des droits humains, les obstacles sont structurels.
« Il n’existe pas encore d’institutions judiciaires pleinement opérationnelles dans certaines zones : pas de parquets, pas de commissariats, ni de prisons en état de fonctionner », déplore-t-il.
Selon lui, les droits les plus bafoués restent le droit à la vie, le droit à l’éducation pour les enfants et la protection des biens des citoyens. En contexte de conflit, ces violations s’aggravent : « Des bombes tombent sur des villages, des écoles, des maisons. Des femmes et des enfants perdent la vie ou l’accès à l’école. »
Il fustige également les pillages et destructions de biens commis par des groupes armés ou des « inconnus non autrement identifiés ».
Jean MoreauTubibu appelle enfin les habitants à renoncer à la justice populaire.
« Ne vous faites pas justice vous-mêmes. Maîtrisez les malfrats et amenez-les aux autorités : chefs d’avenue, police, bourgmestre… »
Erick Mushagalusa pointe la domination exercée par les forces rebelles dans plusieurs zones. Selon lui, ces groupes imposent leur autorité par la violence, les tortures et les arrestations arbitraires.
« Seules certaines organisations humanitaires, religieuses ou de la société civile tentent d’aider les victimes. Mais leurs moyens sont insuffisants face à l’ampleur de la crise », explique-t-il.
Pour lui, « le peuple congolais ne doit pas être abandonné » et aspire à la paix, à la dignité et à un véritable État de droit.
Gayot Bulambo estime que l’occupation de certaines zones par les rebelles du M23-AFC a totalement paralysé l’appareil judiciaire.
« Les institutions ne fonctionnent plus. Les autorités installées cherchent avant tout à asseoir leur pouvoir, pas à garantir les droits fondamentaux », regrette-t-il.
Aziza Ntwali dénonce, pour sa part, l’inaccessibilité d’une justice équitable à Bukavu. Elle cite la corruption, le manque de moyens financiers et l’influence de groupes puissants comme principaux obstacles.
Elle reconnaît certains efforts des autorités, mais juge qu’ils restent insuffisants.
« Il faut renforcer l’accompagnement des victimes, la réactivité de la police et la transparence dans le traitement des plaintes. »
Aziza rappelle que les les plus violés dans la ville touchent à la justice et à la sécurité.
« Beaucoup de femmes et d’enfants victimes de violences n’obtiennent jamais réparation. Le droit à une justice rapide et équitable est trop souvent ignoré. »
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Elle lance un appel à l’engagement de tous.
« Disons non à la corruption. Elle détruit notre société, empêche la justice et creuse les inégalités. Que chaque citoyen et chaque autorité prenne ses responsabilités. »
En attendant, Jean Morrot Tubibu insiste : « Une autorité ne sert pas à intimider mais à protéger. Il faut restaurer la confiance en instaurant une justice équitable, accessible et fonctionnelle. »
Pour rappel, le thème 2025 de la Journée internationale des droits de l’homme est : « Les droits humains, essentiels à notre quotidien ».
Une campagne visant à rappeler que ces droits (liberté d’expression, droit à l’éducation, dignité au travail, absence de discrimination) doivent se vivre chaque jour, et non rester de simples principes abstraits.
Divine Busime

