Le ciel s’assombrit encore au-dessus de Kabare, comme une saison des pluies sans fin. Chaque nuit, les rafales d’armes et les cris des victimes remplacent les chants des grillons. La terre de l’Est, fertile et meurtrie, semble avaler chaque jour un peu plus l’espérance de ses enfants. Ce matin encore, la revue de presse de Eliane Mufungizi vous emmène au cœur d’une actualité où la peur se cultive au rythme des machettes, et où les voix citoyennes tentent de repousser l’ombre.
Une nouvelle nuit d’horreur à Kabare… C’est dans le sous-village de Musimbo, à Kagabi-centre, que des hommes armés ont attaqué la paisible population dans la nuit de samedi à dimanche. Le bilan est lourd : une femme tuée par balles, un homme gravement blessé à la machette, et plusieurs autres villageois violemment passés à tabac.
Selon Jambo RDC, cette attaque s’est déroulée vers 21 heures. La Société civile locale parle d’une opération ciblée, menée par des individus armés non identifiés.
Mais ce n’est pas un cas isolé. Radio Maendeleo donne un nom à la victime : Madame Faida Nabarungu M’Ciyane. Elle a été abattue chez elle. Un autre habitant, Monsieur André Kabwami, est hospitalisé après avoir reçu des coups de machette.
Le climat est à la panique. Les habitants de Kagabi sont encore sous le choc des affrontements du mois de juin entre les Wazalendo et l’AFC-M23, qui ont déjà semé la mort à Cirunga, Kagabi et Bushwira. Un enchaînement d’attaques qui laisse un goût amer et une colère sourde contre l’inaction des autorités.
En attendant, font remarquer les confrères, la Société civile monte au créneau. Elle lance un cri d’alarme, invite à une réunion d’urgence entre les chefs de villages, notables et leaders communautaires. Objectif : bâtir une réponse locale face à ce qui ressemble de plus en plus à une stratégie d’intimidation continue.
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Le territoire de Kabare est touché dans plusieurs localités. À Mwendo, dans la localité de Cirhogole, une autre attaque a visé la maison de Monsieur Théophile Ciza alias Binusi. Trois enfants d’une même famille ont été grièvement blessés. Les assaillants ont ligoté plusieurs habitants avant de pénétrer dans la maison familiale.
Heri Mudugo JB, acteur social cité par Watoto News, dénonce une barbarie récurrente. Il accuse : « Laisser ces malfrats opérer en toute impunité, c’est exposer davantage de familles innocentes ».
Là encore, la population vit dans une peur constante. L’appel est clair : il faut un sursaut des services de sécurité avant que ces violences ne dégénèrent davantage.
A Walungu, même la société civile n’est pas épargnée
Le Bureau de Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu dénonce le pillage de son bureau à Walungu dans la nuit du 1er au 2 juillet. L’information nous vient de La Prunelle RDC. Des biens emportés, d’autres détruits, un acte qui choque par sa cible : une structure non partisane, non armée, engagée dans la bonne gouvernance.
Néné Bintu Iragi, la présidente de la Société civile provinciale, pointe un fait troublant : cette attaque a eu lieu dans une zone sous contrôle de l’AFC-M23. Elle appelle à garantir la sécurité des activistes et à cesser d’intimider ceux qui défendent les droits des citoyens.
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Ce climat de terreur dépasse Kabare. À Kiseguro, en territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), deux jeunes hommes ont été massacrés à la hache par des inconnus dans la nuit du 4 au 5 juillet. Les faits sont rapportés par La Prunelle RDC. Des meurtres qui viennent s’ajouter à une longue liste d’actes similaires dans cette région occupée par le M23. La population est tétanisée, des familles songent à fuir leurs villages.
Pendant que l’Est brûle, le Président Félix Tshisekedi a lancé une table ronde sur le crédit Bonobo, un mécanisme de financement pour protéger la biodiversité et aider les communautés locales et peuples autochtones. C’est La Fortune RDC qui en fait écho.
Ce projet ambitieux, centré autour du Couloir Vert Kivu-Kinshasa, devrait couvrir 544.000 km². Une initiative pionnière sur le papier. Mais en toile de fond, une question : peut-on parler d’avenir écologique sans régler d’abord l’insécurité dans l’Est ?
Autre sujet brûlant : selon Les Volcans News, un rapport confidentiel de l’ONU dévoile le rôle de sociétés militaires privées, notamment Congo Protection (CP) et Agemira, dans le conflit de l’Est. Ces sociétés apporteraient un soutien stratégique aux FARDC contre le M23.
291 agents de CP auraient même trouvé refuge dans les installations de la MONUSCO à Goma, avant d’être évacués vers la Roumanie via le Rwanda. D’autres sont aujourd’hui à Kinshasa et Kisangani, rapporte le média qui cite les Experts de l’ONU.
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Et ce n’est pas tout : le rapport cité par Les Volcans News affirme que le gouvernement congolais a signé un contrat de cinq ans avec Erik Prince, ex-patron de Blackwater, pour sécuriser l’Est via des drones armés, des troupes au sol, et… une “police minière” chargée de puiser directement dans les revenus miniers pour financer ces opérations.
Est-ce une décision stratégique ? Ou une externalisation de la souveraineté nationale ? Le débat est ouvert.
Voilà, pendant qu’à Kabare on dort avec une oreille sur l’oreiller et l’autre sur le moindre bruit de pas… à Kinshasa, certains dorment tranquilles, bercés par les chants des crédits Bonobo. Une chose est sûre : si la sécurité était un animal, dans l’Est, ce serait un Bonobo… protégé, rare, et quasiment invisible.